De la critique à l’auto-critique

« T’es nul(le) », « Tu n’y arriveras jamais », « T’as sûrement beaucoup mieux à faire que de te reposer »… Ces petites voix intérieures sont assez fréquentes chez les personnes que je reçois. Les problématiques d’image de soi – estime de soi et confiance en soi – sont de plus en plus répandues dans notre société. Il faut être un gagnant, être toujours plus performant, peu de place aux marques de reconnaissance. Avez-vous déjà remarqué que naturellement nous sommes enclins à dire ce qui ne va pas alors que valoriser ce qui va est beaucoup plus rare ?

Selon Charles Pépin, philosophe, « La confiance en soi vient d’abord des autres. »

Faisons un petit détour vers la théorie de l’attachement pour comprendre. Pour se construire, l’enfant a besoin d’une figure d’attachement – souvent la mère même si de plus en plus le père peut en être une. Cette figure d’attachement est une base de sécurité pour l’enfant. C’est à partir de cette base que l’enfant va pouvoir explorer son environnement. En cas de danger, il peut retourner vers sa figure d’attachement. Si elle réagit adéquatement, l’enfant développe un attachement sécure. On peut donc dire que c’est cette figure d’attachement qui permet à l’enfant de construire sa confiance en lui. Une figure d’attachement qui ne réagit pas à la demande de sécurité de l’enfant est aussi destructrice qu’une figure d’attachement qui surréagit. L’enfant développe alors un attachement insécure. Pas d’exploration possible pour l’enfant à qui on n’autorise pas l’exploration donc pas de confiance en l’environnement et en ses capacités, pas de sécurité pour l’enfant qu’on ne rassure pas quand il explore donc pas de confiance en l’autre. Ces modalités d’attachement restent stables tout au long de la vie si on ne fait pas un travail dessus, c’est ce qui fait qu’on retrouve plus tard les mêmes modalités d’attachement dans ses relations amoureuses par exemple.

Il existe aussi des phrases assassines que l’enfant a entendues très tôt, ces phrases que je citais au début de l’article par exemple : « T’es nul(le) », « Tu n’y arriveras jamais », « T’as sûrement beaucoup mieux à faire que de te reposer »… Nous avons intériorisé ces phrases et elles reviennent automatiquement sans qu’on puisse les contrôler. Parfois, on les entend avec la voix de la personne qui les a prononcées dans notre enfance. Parfois, on les a tellement faites siennes que le « je » remplace le « tu » : « Je suis nul(le) », « Je n’y arriverai jamais », « J’ai beaucoup mieux à faire que de me reposer »… Comment avoir confiance en soi avec toutes ces pensées automatiques dysfonctionnelles ? C’est la modification de ces pensées ou plutôt le remplacement de ces pensées par des pensées alternatives plus adaptées qui sont travaillées dans les thérapies cognitivo-comportementales.

Par ailleurs, tout au long de notre vie, nous rencontrons ce que nous pouvons appeler des « mentors » qui, par une parole, peuvent nous donner confiance en nous, en quelque sorte réparer ce qui a fait défaut au début de notre vie : un enseignant, un coach sportif, un employeur qui croit en nous… Parfois, une parole suffit.

Les problématiques directement reliées à ce manque de confiance en soi sont diverses : timidité, peur de parler en public, manque d’affirmation de soi (difficultés à dire non), importance du regard des autres, perfectionnisme, procrastination, difficulté à sortir de sa zone de confort, à décider…

Cependant, d’autres problématiques qui ne sont pas directement liées à la confiance en soi peuvent apparaître. Le fait d’être sans arrêt critiqué lors de son développement est une forme de maltraitance qu’on appelle maltraitance / abus émotionnel(le) ou psychologique. La frontière est mince avec la parentalité dysfonctionnelle. Il y aurait un continuum entre une bonne parentalité et une parentalité maladaptée. L’abus émotionnel peut conduire à des conséquences plus désastreuses que les autres types de maltraitance et celles-ci se maintiennent à l’âge adulte. Un traumatisme complexe peut alors se déclencher avec des troubles dans sept domaines : l’attachement, la biologie, la régulation des affects, la dissociation, le contrôle des comportements, l’image de soi et la cognition. Le cerveau se modifie et l’enfant – puis l’adulte – devient hypersensible au stress, présente des difficultés à gérer ses émotions. À l’âge adulte, l’abus émotionnel subi durant l’enfance est corrélé aux troubles anxieux et dépressifs. Des addictions et des troubles du comportement alimentaire peuvent se développer, stratégies inadaptées pour gérer ses émotions.

Dans le cas d’un traumatisme complexe dû à de l’abus émotionnel subi durant l’enfance, beaucoup de diagnostics inadéquats sont posés. Bien souvent, les traitements et thérapies classiques ne sont pas efficaces et les personnes répondent mieux aux thérapies utilisées pour le trouble de stress post-traumatique, même si le traumatisme complexe n’en recouvre pas tous les critères.

L’hypnose peut être particulièrement pertinente pour plusieurs raisons. En premier lieu, l’état hypnotique possède plusieurs points communs avec l’état d’une personne traumatisée. Fareng et Plagnol (2014) qualifient la dissociation traumatique de « phénomène « auto-hypnotique » » spontané dans le but de se protéger. L’objectif d’une thérapie en hypnose sera de transformer cette auto-hypnose négative en hypnose positive et de ré-associer la personne. Par ailleurs, l’attachement peut être travaillé, attachement sécure avec le thérapeute, comme dans toute thérapie avec l’installation de l’alliance thérapeutique mais potentialisée par des techniques hypnotiques. La prosodie de la voix du thérapeute, durant une séance d’hypnose, en fait une « musique hypnotique » où le rythme, qui rappelle la voix de la mère qui parle à son bébé, est plus important que les mots pour construire un attachement sécure. Le thérapeute bienveillant peut alors être intériorisé et permettre à la personne d’explorer seule, de mener sa vie sans le thérapeute. D’autres techniques peuvent permettre à la personne par exemple d’intérioriser un parent imaginaire bienveillant ou tout simplement lui-même en tant qu’adulte de manière à acquérir un attachement plus sécure.

De par la nature de la problématique d’un abus émotionnel subi durant l’enfance, la thérapie en hypnose peut nécessiter davantage de séances que d’autres problématiques. Pour ces personnes, il est essentiel de prendre le temps de construire une alliance thérapeutique solide pour les sécuriser.

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